Lucien Becker

 

Faut-il décortiquer la poésie ?

Chercher derrière chaque mot ce que le poète a voulu nous dire ? Ou encore, se laisser porter par la musique des mots et la richesse des idées ?

 

IL Y AVAIT UN POETE ET NOUS NE LE SAVIONS PAS !

 

LUCIEN BECKER est né à Béchy le 31 mars 1911, ses parents y cultivent la terre. Dès le début de la guerre son père est tué et la famille se réfugie chez la grand-mère maternelle à Riche. Les premières années du petit Lucien se déroulent entre ses deux sœurs, sa mère et sa grand-mère, un univers exclusivement féminin.

Comme tous les gamins du village, il fréquente l’école communale, court les bois et les prés, pêche et se baigne dans la Petite Seille.

Un événement va le marquer profondément, il a huit ans quand par un beau jour d’été, le temps d’un éclair, le bel étalon qui broute dans le prés est foudroyé et s’écroule dans l’herbe à quelques pas de lui. «J’ai cru que c’était moi» déclare-t-il. Le jeune Lucien, d’un coup découvre la ligne de partage entre le monde des vivants et celui des morts. Triste expérience pour un jeune enfant.

 

A douze ans, il intègre l’internat du collège Charles Hermite de Dieuze où entre autres découvertes il commence à se passionner pour la poésie. Il découvre Aragon, Eluard, Reverdy, Char, au contact de leurs œuvres, il prend conscience que la poésie est vivante, moderne, qu’elle donne des ailes aux mots, une chair aux images, qu’elle est libre, impunément ; (Guy Goffette in Rien que l’amour).

 

Ensuite, c’est le lycée à Metz et déjà il publie ses premiers recueils poétiques. Parmi eux "Feuillets parfumés de jasmin" qu‘Henry de Montherlant a accepté de préfacer. Mais rapidement il ne se satisfait plus de ses écrits et Lucien Becker débute une période silencieuse de huit longues années sans rien publier.

Echec au baccalauréat, il fait du porte à porte pour placer des aspirateurs tout en supportant très mal la vie quotidienne dieuzoise qu’il trouve étriquée et se lance dans la provocation en fondant avec un ami le G.P.I. Groupement de la Pègre Intellectuelle. Initiative sans lendemain.

Dès 1931 il devance l’appel sous les drapeaux et se retrouve en Syrie. Son imagination débordante lui fait écrire : "18 mois en Syrie, le pays le plus dangereux du monde, le plus insalubre... je cours vers le paludisme comme un fou… je suis parti pour mourir, je ne reviendrai plus sur le sol d’Europe "

Malade il est rapatrié et s’inscrit alors à la faculté de droit de Nancy, il y rencontre Léopold Sédar Sanghor qui devient son ami.

En 1935 il réussit le concours de commissaire de police et entre dans l’administration.

L’année suivante c’est la rencontre d’une jeune dieuzoise Yvonne Chanot qu’il épouse sans tarder et …se remet à l’écriture.

Il avoue sa faim vertigineuse de poésie, les deux plaquettes qu’il publie, alors, attirent l’attention des plus grands poètes et littérateurs français..

De nombreux articles sont consacrés à ses écrits, il reçoit et échange beaucoup de courrier et restera fidèle très longtemps à ses correspondants .

La vie à Dieuze ne lui pèse plus. Yvonne et Lucien y semblent heureux. Cela ne dure pas , c’est la guerre et l’invasion allemande. Il faut fuir, le couple s’installe à Marseille.

Chef de service au ministère de l’Intérieur, Lucien Becker profite de son affectation au « service étrangers « pour fournir de faux papiers à ceux qui fuient l’occupant ; il prévient ses amis juifs des rafles en préparation et entre en contact avec le maquis du Vercors. Ses poèmes paraissent dans les revues de la « résistance poétique » .

En 1941 Yvonne donne naissance à une petite Marie Thérèse. Ritou pour Lucien.

La guerre terminée, Lucien est nommé à Paris et affecté aux Renseignements généraux. Yvonne y ouvre une librairie. Quelques années durant ils profitent du tumulte de la vie parisienne mais rapidement Lucien prend ses distances avec les milieux littéraires.

En 1952, il est attaché à la sécurité du port de Dakar où il retrouve Léopold Sédar Senghor, devenu député. L’Afrique ne l’intéresse pas plus que la Syrie, Nancy, Metz ou…Dieuze et dés 1955 rentre à Paris pour y vivre en reclus.

1961, il publie un dernier recueil : « L’été sans fin » hors commerce, avant de rompre définitivement avec la poésie.

A sa retraite en 1968 il abandonne Paris pour s’installer dans un petit hameau de l’Yonne, puis à Neuilly-sur-Seine pendant une dizaine d’années .

En 1983, retour à Dieuze, Yvonne et Lucien y achètent une maison.

Lucien décède le 25 janvier 1984 à l’hôpital à Nancy . Yvonne lui survivra jusqu’en 1994 Leurs cendres reposent au cimetière de Dieuze

 

Lucien Becker occupe une place particulière dans notre communauté : il a étudié à Dieuze, il y a travaillé, il s’y est ennuyé, il y a aimé, il y a vécu. Il s’y est retiré à la fin de sa vie et il y repose auprès d’Yvonne, sa femme.

 

IL Y AVAIT UN POETE ET NOUS NE LE SAVIONS PAS .

 

Présentation faite à partir de documents confiés par la famille de L.B. et de la préface de Guy Goffette pour « Rien que l’amour » .

« Rien que l’amour », Œuvres Complètes de Lucien Becker ; présentation Guy Goffette, éditions de la Table Ronde. Avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

Que tous soient remerciés.

Œuvres et documents disponibles à la Bibliothèque du Saulnois. Maison des jeunes Centre Social Dieuze.