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L'an mil huit cent soixante trois, le seize
avril à huit heures du matin, par devant nous Joseph Edouard Blahay,
Maire et officier de l'état civil de la ville de Dieuze, arrondissement
de Château-Salins, département de la Meurthe, étant à la maison
commune, a comparu Pierre Félix Virgile Friant, âgé de 28 ans,
mécanicien, domicilié à Dieuze, lequel nous a déclaré que ce jour à
6 heures du matin Marie-Catherine Torlotin, âgée de 25 ans, son épouse,
est accouchée en son domicile d'un enfant du sexe masculin qu'il nous a
présenté et auquel il dit vouloir donner le prénom d'Emile.
Les dites déclaration et présentation faites en présence d'Emmanuel Friant, âgé de 28 ans, armurier et de François Offroy, âgé de 20 ans, cordonnier, tous deux domiciliés à Dieuze. En foi de quoi nous avons écrit le présent acte sur les deux registres à ce destinés que le déclarant et les deux témoins ont signés avec nous après lecture.
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Emile Friant a vu le jour dans la même maison où Gustave
Charpentier est né 3 années auparavant, rue du moulin, actuelle rue
Gustave Charpentier.
L'annexion de l'Alsace Lorraine a précipité le départ de la famille Charpentier à Nancy ou le père s'établit mécanicien à son compte. Bien qu'issu d'un milieu modeste ses dispositions artistiques sont favorisées par sa famille et une amie de celle-ci, Mme Parisot. Ainsi Friant appartient à ce terreau fertile issu de l'immigration des annexés vers la Vieille France. Scolarisé à l'école Loritz, il bénéficie de l'enseignement du dessin dispensé par le directeur de l'école de dessin, également Conservateur du Musée des beaux arts. 1878, il n'a que 15 ans qu'en il fait la première exposition de ses oeuvres, il est immédiatement remarqué et la municipalité de Nancy lui offre une bourse de 1 200 Franc pour lui permettre de suivre des cours à Paris où il s'installe à l'âge de 16 ans après avoir été admis à l'Ecole des beaux arts. Il partage son temps entre Paris et la Lorraine où il puise ses inspirations et participe à de nombreux salons, il concourt même le prix de Rome. C'est en 1884 qu'il obtient la première récompense officielle pour un tableau intitulé "Le travail du lundi".
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Le service militaire lui donne l'occasion
d'effectuer de nombreux portraits. A l'issu du quel il expose à nouveau
et obtient une bourse de voyage. A partir de cette époque, Emile Friant
visite de nombreux pays, d'abord aux Pays-Bas, l'Ile de Merken, ensuite
l'Italie et finalement la Tunisie.
En 1888-1889, son oeuvre est de plus en plus appréciée et l'un de ses tableaux "La Toussaint" connaît un immense succès au Salon et le Prix Spécial lui est décerné. Ce qui lui donne l'occasion de voyager à nouveau à l'étranger, aussi bien en Europe qu'autour de la Méditerranée. 1889, Emile Friant connaît un succès exceptionnel lors de l'Exposition universelle où il expose 10 tableaux, il remporte une médaille d'or et est promu dans l'ordre de la Légion d'Honneur, il n'a que 26 ans. Les journaux et les critiques d'art ne tarissent pas d'éloges à son sujet : "C'est un artiste comme on en a rarement vu et qui sait impressionner le public par la qualité de ses réalisations d'une parfaite beauté et d'une éloquence de grand style" En 1894, son esprit de générosité le conduit à aller trouver le maire de Nancy qu'il prie de confier la bourse de 1 200 F qu'il perçoit toujours à son compatriote et ami Ernest Buissière. Enfin en 1923, les portes de l'Académie s'ouvrent pour lui, il est un des quatre dieuzois à avoir eu l'honneur d'accéder à l'Institut avec Edmond About, Charles Hermite, Gustave Charpentier. En 1931, il est nommé Commandeur de la Légion d'Honneur. Il décède à Paris en 1932. Il repose dans une petite chapelle au cimetière de Fréville à Nancy.
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Emile Friant, un homme plein de ressources !
Simple, peu bavard, fidèle en amitié, drôle, travailleur infatigable, sportif impénitent. Son portait est familier, il aimait se prendre pour modèle, sans pour autant avoir un comportement narcissique. Compagnon fidèle de l'amie rencontrée à Malzéville, alors qu'elle avait dix sept ans à peine qu'il représenta souvent ainsi que ses soeurs. Fidèle également à ses amis de toujours, peintres et graveurs partagent fréquemment ses repas. Autre aspect important de la vie d'Emile Friant son goût pour les sports nautiques et aéronautiques, loin d'être un esprit éthéré, mélancolique, solitaire, il aime les activités extérieures, dont certains comme l'aéronautique montre son attrait pour l'aventure. Pendant la guerre de 1914-1918, ses connaissances l'incitent à faire des recherches et déposer un brevet de réservoir d'avion à double paroi, increvable (il fut le premier président de l'Aéroclub de l'Est). Il met également au point de nouveaux systèmes de messages codés et de camouflage.
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Emile Friant et la ville de Dieuze
En 1922, invité d'honneur à la distribution des prix au collège, il prononça un discours, en voici quelques passages : ...en 1870, nous étions de 40 à 50 élèves, tous externes. Le Principal était chargé des classes de latin. Deux professeurs seulement enseignaient le français et les sciences. Notre principal était Monsieur Agose, excellent homme venu des Pyrénées et que les hasards de la vie universitaire avaient implanté à Dieuze. Chasseur, il fréquentait la société de chasse locale, aussi parlait-il de marcassins en toute connaissance de cause quand il nous apostrophait par ces reproches humiliants : "allez vous laver, petits marcassins". Nous vivions tranquilles et heureux quand des sonneries guerrières se firent entendre. C'était en juillet 1870, deux régiments de cuirassiers (ceux qui plus tard devaient se sacrifier et s'illustrer à Morsbronn et à Froeschviller et qu'on a appelé "les Cuirassiers de Reichshoffen") traversaient notre petite ville en passant par la rue du Moulin. Ils se rendaient à la frontière pour y défendre nos foyers menacés par notre ennemi héréditaire. Quelques semaines plus tard, en dépit de tout l'héroïsme de notre armée ; succombant sous le nombre, notre chère Lorraine était envahie. Le 12 août 1870, du canal nous suivions le coeur serré, les progrès de l'armée envahissante, qui arrivait par la route de Vergaville. Le 14 août, Dieuze regorgeait de troupes allemandes qui débouchaient devant l'hôpital saint Jacques au son de l'aigre fifre, les unes par la route de Vergaville les autres par celle de Loudrefing, les Prussiens cédant le pas aux Bavarois, leurs aliés de la veille. Il me semble voir encore dans la rue du Moulin les artilleurs Allemands passer de caisson en caisson, les obus destinés au bombardement de Marsal...
RUE des FRIANT : lors de la séance extraordinaire du conseil municipal du 3 octobre 1924, il a été décidé de donner à la rue du Moulin le nom de Gustave Charpentier et à la rue des Casernes celui de rue des Friant, pour honorer d'abord Emile Friant, ainsi que ses cousins Camille et Hubert. Camille, né à Dieuze en août 1858, directeur de l'Enregistrement pour l'Alsace et la Lorraine, Hubert, né à Dieuze en 1866, directeur du service de santé du 8ème Corps d'Armée (contrairement à l'habitude de nommer cette rue des frères Friant). |